Des grandes voies pour le GAN- épisode IV
Le temps vient bientôt de la générale aoûtienne estive majeure, les derniers ’Gani-Grandi-Voyistes’ encore valides, errent sur Grenoble tels de hagards ’zombis’, à la recherche d’une ligne verticale ’pure’, accueillante et ’sublime’, avant de partir, eux aussi, ’pauvres mortels’, vers de plus ’softs’ horizons… Recherche faite, je propose à Marc la ’voie des Géomètres’ (5a, 5c, 6c>A0, 3c, 6a, 5b) qui se grimperait, d’aucuns le disent, dans la paroi ouest du ’Moucherotte’ (1901 m). Vercors-nord, au dessus de St-Nizier, l’heureux village aux ’Trois Pucellles’. Cette voie récente (et sa voisine un peu plus dure ’Othello’ TD, 6b+ max) bien équipée (sur spits) offre un accès presque direct au sommet de cette sauvage face qui domine Grenoble.
Moucherotte – ’Voie des Géomètres’ (TD-, 160 m)
Mercredi 6 août 2010. Rendez-vous à 9h30 à Fontaine, nous montons à ’Saint-Nizier-du-Moucherotte’, jusqu’au parking du haut du mythique tremplin de saut à ski des jeux Olympique de 1968 (Ô névrotique climat, combien d’athlètes éperdus, au cœur d’hivers, doivent-ils, en ces temps, y désespérément chercher la neige ?).
Nous attaquons la montée par le GR vers 10h15. Nous montons un peu plus haut que nécessaire, quittant le GR direction ’Poussebou’ à l’altitude 1650 m (alors qu’on aurait pu continuer la piste large un quart d’heure avant). Nous découvrons ainsi le sentier passant sous de petites barres rocheuses, qui part en direction du ’bois de Poussebou’ (panneau). On bascule rapidement de l’ambiance ’Forêt enchantée’ à celle des ’gros pierriers sous le cagnard’, dans ce décor du ’vallon des Forges’ où se mêlent minérale verticalité des parois et forêt d’altitude dans les pentes.
Nous trouvons le départ de la sente mal tracée qui mène aux gradins pourris dont parlent les topos. Marc aperçoit les petits carrés rouges censés montrer le chemin. Nous attaquons là la partie la plus ’expo’ de l’approche. Inutile de s’encorder il n’y a nulle-part où mettre des protections ! Mieux vaut ne pas se prendre une ’pelle’ au risque de dévaler 100 m dans les ravins. Ça engage à ’marcher sur des oeufs’, d’autant que les semelles de mes baskets sont plutôt lisses. Sortis des ’Gradins de la Mort’, nous arrivons à un bon gros Cairn.
Les chamois ayant bien tracé la ravine et le couloir herbeux à droite, nous nous laissons aller à croire qu’il faut y monter, ’que nenni’! Comme les gradins du début n’étaient pas assez pourris, on va faire un peu de ’rab’ pour ’pas un rond’! Je monte côté ’pelouse’, estimant la ravine de Marc trop engagée. Assez vite je fais face à un mur quasi vertical de hautes herbes humides, bordé de rocher pourri, ambiance ’livre de la jungle’ mais plus d’arbuste sous la main pour s’agripper. Je sonne donc la ’retraite’, au loin, de l’autre côté, j’entends les bruits feutrés des cailloux dégringolant, que Marc, qui a également réalisé que ’ça doit pas être par là’, fait partir dans le couloir ’en veux-tu en voilà’…
Continuant la désescalade délicate du couloir à chamois, je fais partir une belle pierre, qui rebondit joyeusement cahin-caha, à gauche, à droite, à gauche, à droite… atterrissant dix mètres plus bas comme si elle s’était trouvée aimantée, pile-poil sur la tête de notre ami Marc (qui n’avait pas mis son casque) ! Heureusement, rien de grave, les rebonds successifs ont amoindri la force du caillou et il n’a pas eu la ’bonne idée’ de relever la tête, au mauvais moment. Bon, ce n’est pas une p’tite égratignure qui va arrêter le GAN ! On repart, après cette demi-heure à faire du tourisme ’caprin-style’ en terrain d’aventure adrénalitique. Prenant à gauche du ’bon gros cairn’, nous trouvons tout naturellement une sente fréquentable partant sur les vires (il suffisait juste d’avancer de deux mètres pour la voir :)… Ensuite, c’est ’Bienvenue sur les Sentiers du Vertige’! En route pour 500 m de ballade horizontale sur les vires aériennes du Moucherotte. Impressionnant ’decorum’ mais bien moins dangereux que les gradins de tout à l’heure.
Il suffit juste de bien rester sur la sente et de ne pas trébucher ! Enfin, au détour d’un bel éperon arrive le vallon herbeux raide d’où partent les voies. Malgré sa qualité graphique indéniable, nous avons du mal à reconnaître ce qui est dessiné sur la feuille de topo. Remontant une centaine de mètres, nous passons encore un bon quart d’heure avant de trouver le départ. Après 2h20 d’approche ’rock’n roll’ (c’est l’cas d’le dire!), nous voilà prêts. Il est 13 h, on se lance, déjà bien entamés par les préliminaires. Grimpant en tête en ’réversible’ chacun son tour, je pars dans la première longueur, de manière à assumer par la suite le maximum des difficultés. Persuadé que je vais rencontrer le premier relais sur deux spits, je monte, je monte… et les pas de ’5a’ deviennent bizarrement de plus en plus ’raides’. Un passage, prise main gauche sur un empilement branlant de cailloux fracturés m’offre quelques inquiétudes. Plus loin je tombe nez-à-nez sur un pas technique (en fait, le ’crux’ de la deuxième longueur) un bon pas de 5+/6a.
Sur le topo, ils appellent ça le ’verrou-école’ – une fissure de ’traviole’, du bombé, de l’adhérence pour les pieds, avec en plus, des coulées d’eau (résidu des pluies de la veille), le tirage de la corde qui commence à devenir sévère et l’appareil photo que j’avais gardé en bandoulière ! J’arrive finalement sur une vire lorsque la corde coince. Le relais était à faire beaucoup plus bas, avec l’aide d’un pin. J’ai fait en fait une longueur et demie. Marc me dira qu’il restait encore quelques mètres de brin, mais, sûrement pas assez pour que j’atteigne l’arbre le plus proche, et là, ’peau-d’balle’ pour faire un relais, juste de l’herbe, cailloux et des bouts de rochers sans aspérités. Je décide donc de désescalader deux-trois mètres pour faire mon installation sur le dernier spit avec en appoint mes deux ’friends’ posés dans une fissure. Pendant ce temps Marc se demande ce que je fous… Une fois correctement installé, je mets mon petit coupe-vent en K-Way, mais ne prends pas le temps de mettre ma deuxième polaire.
Le temps est au beau, certes, mais ces derniers jours, le vent du nord amène une sacrée fraîcheur pour un mois d’août. Parti en short, je n’avais pas calculé que la voie était orientée nord-ouest et passait donc entièrement à l’ombre à partir de midi. Très bien, pour une journée d’été caniculaire, mais pas trop, quand le fond de l’air est à 10°c à 1800 m et que le vent souffle à 30 km/h. Je me les caillerai donc ’à donfe’, tremblant comme une feuille, plus de vingt minutes sans bouger à l’angle du pilier, plein ’zef’, température ressentie à 3 ou 4°c, le temps que Marc me rejoigne puis finisse la deuxième longueur. Ouf ! Je retrouve Marc au deuxième relais posé sur une terrasse au soleil et à l’abri du vent, dix minutes de pause et ’d’expose’ permettrons que je me requinque un peu avant d’attaquer la suite des hostilités, la troisième longueur en 6c, à passer en ’artif tire-au-clou’, quand on a comme nous … ’des p’tits bras’!
Ça se présente comme de la dalle bombée bien lisse sur une bonne partie de la longueur, pas d’états d’âme aujourd’hui, je ne chercherai pas à passer en ’libre’. Même en ’tirant-au-clou’ c’est déjà bien physique. Une cordelette passée dans un ’maillon rapide’ est même en place pour s’aider, au passage de la troisième dégaine du crux. Le dernier pas n’est pas vraiment facile non plus, il faut une sacrée allonge pour mettre la dégaine, je l’estime 6a+ (équilibre précaire avec deux doigts, adhérence limite pour les pieds, et vraiment rien ensuite, rocher tout lisse, pied-main en finesse obligatoire).
Nous continuons par une facile et courte traversée gazeuse (3c) sous les surplombs, puis c’est l’avant-dernière longueur, également bien aérienne, variée et continue dans le 5c/6a. La grimpe se présente plus technique que difficile, avec au début, une large fissure en Dülfer dans une dalle lisse bombée, peu raide (mouvement introuvable en salle …), un passage de surplomb ’prisu’ mais agrémenté de suintements d’eau argileuse (heureusement, il y avait le choix pour les prises), puis un pas de sortie athlétique, pour finir. Il fait toujours aussi froid, toujours à l’ombre, toujours du vent.
Nous sortons par une dernière longueur facile en ’5b’ pas très loin du sommet, rejoignant enfin au soleil la foule des piétons, vers 16h15 – soit, au ’finish’, 3h15 pour évacuer les difficultés de la voie. C’était une première au sommet du Moucherotte pour Marc – belle première, ma foi ! Hormis un petit passage glissant dans le sous-bois, la descente est bien tranquille par le GR (il existe toutefois une ligne de trois rappels de 50 m, pour les acharnés, ou pour ceux qui veulent éviter l’accès expo de l’approche). A 17h30 nous rejoignons la voiture et à 18h la bière coule à ’Fontaine’ à flot, à la santé des ’Géomètres’…
Gérard.
Pour plus de visuels de ces voies, il est possible d’aller consulter cette page créée par autres grimpeurs : http://www.webmontagne.fr/escalade/Othello-et-G%E9om%E8tres.html