Raid à skis dans le massif de la Maladeta
A la recherche des plus hauts sommets des Pyrénés
Cette semaine du 7 au 14 avril nous étions une équipe de six ganistes motivés par ce séjour mixant rando en étoile et raid dans les Pyrénées espagnoles.
Le projet était de monter au refuge de la Renclusa en vue de réaliser trois sommets puis de basculer dans la vallée d’Estos pour faire une traversée sur trois jours.
Le projet initial s’est avéré compliqué à réaliser à cause d’une météo capricieuse et un manque de neige notoire dans les faces sud (pas de neige en dessous de 2500 m si ce n’est cinq centimètres de neige récente qui masque les cailloux).
Jour un
Huit heures de route pour arriver, après avoir traversé le tunnel de Vielha, au bout de la route à l’Hospital de Bénasque (1750 m). Puis montée tranquille, sans difficulté d’abord sur une piste de ski de fond jusqu’à 1900 m puis trouée dans la forêt jusqu’au refuge de la Renclusa. Arrivée vers 18h. Bon accueil dans un grand refuge (cent places), mais nous sommes seulement dix-neuf randonneurs pour cette première soirée.
Jour deux : objectif Pico de Aneto
Nous partons vers sept heures du refuge. Montée plutôt aisée, mais trace difficile et à refaire car la neige est déjà bien traffolée par les passages de la veille. Exposition nord jusqu’à rejoindre la ligne de crête de la Portillates.
Nous franchissons celle-ci à son seul point faible, le Portillon supérieur (2990 m). Belle frayeur quarante mètres avant le portillon : Jacky notre traceur déclenche une plaque à vent d’environ trente centimètres d’épaisseur. Heureusement, protégé par un bloc rocheux, il n’est pas embarqué par la plaque qui s’arrête quarante mètres en dessous. Pas de dommage, nous poursuivons.
Le portillon se franchit à pied, ski sur le sac (quinze mètres de de descente raide), puis nous rechaussons les skis pour une longue traversée ascendante sur le versant est du glacier menant au Pic d’Aneto. Sur le qui-vive, nous redessinons la trace pour emprunter les lignes de moindre pente. Vers 3100 m un groupe de deux espagnols nous doublent et font la trace.
Le mauvais temps arrive, baisse du plafond nuageux, visibilité à quarante mètres, nous décidons d’arrêter à 3150 m à dix minutes du Col de Corones. Abandon du sommet, vite nous empruntons la descente en obliquant sur notre droite pour rejoindre les vastes vallons menant au Val de Barrancs.
L’exposition est de ces faces humidifie le manteau neigeux, et rend la neige pas facile à skier. Heureusement la visibilité revient vers 2800 m . Nous rejoignons sans difficultés le fond de la vallée.
Pique nique au Plan d’Aguallut (2000 m) encore cinquante mètres de descente en bordure du torrent. Ce torrent qui disparaît soudainement sous terre au « trou du Taureau ». Cet endroit constituerait le lieu de dissimulation des sources de la Garonne qui réapparaît après vingt kilomètres sous terre sur le versant français !
Puis on rechausse les peaux de phoque pour remonter 200 m et rejoindre le refuge.
Au total une belle boucle de 1320 m de dénivelé.
Jour trois : objectif Pic de la Maladeta (3308 m)
a
Même montée que la veille jusqu’à 2940 m, puis montée sur le glacier de la Maladeta jusqu’au replat à 3180 m au pied du couloir d’accès à l’arête finale.
Le plafond nuageux est tombé, il neige, le vent forci et la visibilité est nulle. L’option de monter en crampons le couloir est abandonnée.
Nous redescendons par une autre combe orientée nord et vierge. Très vite nous repassons sous la masse nuageuse et superbe descente dans vingt centimètres de poudreuse légère sur 600 m de dénivelé. Jusque vers 2550 m où l’on retrouve le soleil pour un pique nique avec une vue à 180° sur la chaîne frontalière.
Fin de la descente dans la neige plus lourde jusqu’au refuge de la Renclusa .
Pour 1050 m de dénivelé réalisés.
Jour quatre : objectif traversée du Pico de Alba (3107 m)
Départ du refuge de la Renclusa avec les sacs remplis. Le plafond nuageux se maintient vers 2700 m. La trace a déjà été réalisée la veille. Au fur et à mesure de la montée les nuages s’effacent et c’est avec un beau soleil que nous traversons la combe d’Alba et atteignons la croupe finale vers 2600 m, ouvrant de magnifiques vues sur les sommets alentour.
Objectif rejoindre la brèche supérieure (2970 m). Mais très rapidement le plafond nuageux se rebouche et s’abaisse, les sommets sont pris. Il neige. Finalement nous atteignons la brêche inférieure (2930 m).
Vite, dépeautage, et mise en mode descente du vallon de la Paleta de Paderna, sans visibilité sur 150 mètres. Puis nous passons sous les nuages, mais la neige s’intensifie avec un petit vent du nord. La neige est plutôt lourde mais reste skiable. Après un grand mouvement tournant vers la droite puis à gauche, nous arrivons au « tubos de Paderna » trouée raide dans la forêt, permettant de descendre dans une neige très traffolée jusqu’à la piste de ski de fond.
Il ne reste que 500 m pour se laisser glisser jusqu’à l’Hôtel de l’Hospital de Bénasque.
Pour 850 m de dénivelé et 1200 m de descente.
Hôtel grand confort avec chambres à deux lits. Très bon déjeuner chaud en remplacement de notre pique-nique et l’après midi nous goûtons les plaisirs du jacuzzi avec la neige qui tombe derrière les vitres.
Jour cinq
Après analyse des niveaux d’enneigement dans les faces sud (sans neige en dessous de 2500 m), nous adoptons le plan B : monter directement au refuge d’Estos sans effectuer la traversée par l’épaule du Perdiguero.
Après un petit ravitaillement à l’épicerie de Bénasque, départ vers 12h au parking du vallon d’Estos (1320 m) avec les skis sur le sac à dos. C’est 2h45 de montée qui nous attendent sur une large piste au fond de cette vallée.
Ouf, vers 15h30 nous atteignons le refuge d’Estos (1890 m), harassés mais contents. En fin de journée quelques Isards viennent batifoler à 300 m du refuge.
Grâce à Jacky et Raoul qui maîtrisent bien l’espagnol, nous pouvons échanger avec le gardien sur les conditions d’enneigement qui nous attendent pour la traversée du lendemain. Après échange téléphonique avec son homologue du refuge Angel Orus, il nous alerte sur le manque de neige à partir de 2500 m sur le versant sud du Pas de la Paul et nous déconseille de tenter la traversée pour raisons de sécurité à la descente (raide et sans neige).
Devant cette alerte nous décidons de rester trois nuits au refuge d’Estos pour réaliser des itinéraires en aller/retour sur les versants nord.
Jour six : objectif Pas de la Paul (3081 m)
Remontée tranquille du joli et long vallon du Barranco d’Est. Afin d’éviter le couloir raide plein nord (crampons sur cent mètres) avant la combe finale, nous contournons le Pico Royo jusqu’à son col supérieur (2819 m) pour redescendre 120 m et prendre pied dans la combe de la Paul.
Mais la pente est à descendre est trop raide (45° sur 80 m) et donc abandon de cette idée. Nous poursuivons la montée jusqu’à une Brèche (2970 m) sous la magnifique arête rocheuse du Pico de los Veteranos.
Pique-nique au sommet beau soleil et sans vent. Très belle descente en neige poudreuse tassée et homogène jusque sous le refuge (quatre étoiles). Cinquante mètres à remonter.
Pour 1150 m de dénivelé réalisé et la solitude garantie.
Jour sept : objectif Pico de la Madera (2838 m)
Départ identique dans le vallon d’Estos jusqu’à 2080 m, puis bifurcation à droite dans le vallon de Clarabide. Très beau vallon soutenu, la sortie à 35° sur l’arête est plus délicate avec une neige sans consistance.
Encore cent mètres à skis sur le fil de l’arête, puis dépose des skis et du sac pour terminer une arête peu raide, mais longue de 400 m en terrain mixte (neige et rocher), et surtout très effilée. Crampons et piolet sont indispensables mais n’enlèvent rien à l’ambiance gazeuse alentour ! Seul Jacky atteindra le cairn sommital.
Retour aussi impressionnant en sens inverse jusqu’ à l’endroit où nous avions laissé les skis. Belle descente en bonne neige poudre tassée quatre étoiles jusque vers 2200 m pour le pique-nique. Retour au refuge vers 14h.
Pour 1000 m de dénivelé réalisé.
Jour huit
Retour au parking d’Estos.
Nous prenons l’option de minimiser le portage. Pour cela nous franchissons le barranco d’Estos (passerelle cinquante mètres sous le refuge) et remontée de 120 m versant nord, pour entamer une longue traversée descendante rive droite du torrent del Piso jusqu’à rejoindre le GR11. Puis portage jusqu’au parking : 1h15.
Et enfin 9h de retour pour arriver à Grenoble à 19h30
En résumé
Ces sept jours nous ont permis de découvrir un joli massif pyrénéen en trois jolies boucles effectuées à partir du premier refuge et deux belles randonnées à partir du deuxième refuge.
Mais dans les Pyrénées, les sommets se méritent avec de longs vallons magnifiques et se terminent en mode alpinisme (crampons piolets ) pour accéder à des brèches ou couloirs terminaux et arêtes rocheuses en terrain mixte.
Pour notre part, les conditions d’enneigement (manque de neige en face sud ) et les conditions météo très changeantes nous ont contrains à renoncer à plusieurs sommets.
L’accueil dans ces deux refuges espagnols fut plutôt sympa et bon enfant, mais la qualité des petits déjeuners est à revoir et les dîners sont des « copier/coller » d’un refuge à l’autre.
Alain.
Les six de la Maladeta : Pierre, Jacky, Alain, Florence, Catherine, Raoul