Un Ganiste à l’échappée Belle
ECHAPPEE BELLE – Les 19, 20 et 21 août 2022
Septembre 2021 : je termine le GR20, retour bercé par les vagues de la Méditerranée, je me projette déjà en 2022 sur un nouvel objectif, un nouveau challenge « La traversée intégrale de Belledonne ». De ma terrasse, elle me tend les bras, si proche, lumineuse, sauvage, mystérieuse.
Dans le monde du trail, « L’Echappée Belle » a cette réputation d’un parcours exigeant, technique, avec au compteur 149 kms et 11 400 m de dénivelé positif.
Ma préparation commencera donc très tôt, d’autant que depuis l’UT4M en 2014, les années ont passé, mon corps me le rappelle, il va falloir être progressif, vigilant, patient. Tout commence donc par la traditionnelle saison d’hiver : ski de fond, ski de randonnée : l’idéal pour le foncier, mais surtout pour éviter les tâches ménagères ! Le travail spécifique débute en mars, renforcement musculaire, abdos, proprioception, stretching, marche nordique et, progressivement, du dénivelé, et encore du dénivelé… Casser de la fibre musculaire, c’est l’objectif. Quelques weekends chocs, de 8h à 10h par jour, histoire de travailler le mental. Repérage du parcours. Et pour finir, trois semaines en altitude dans les Dolomites.
J’ai atteint les 50 000 m de dénivelé positif. L’objectif est proche, il me reste 15 jours : derniers préparatifs, choix du matériel, stratégie car sans assistance cette année, mon sac d’allègement me suivra pendant toute l’aventure.
Nous y sommes, vendredi 19 août 2022, Vizille, 6h du matin, dossard 579,
bien décidé à aller jusqu’au bout, aucun doute, pas de stress ! Surprenant, peut-être la force de l’âge.
Ce vendredi, il va pleuvoir jusqu’à 16h, obligeant les organisateurs à modifier le parcours : pas de Croix de Belledonne ni de col du Moretan cette année, mais des variantes.
Première montée directe jusqu’au plateau de l’Arselle, le sol est gras, les appuis fuyants, déjà quelques abandons ! Au dessus du lac Achard, nous entrons dans le vif du sujet, univers minéral, ambiance brumeuse occultant le paysage. Avec le refuge de La Pra en ligne de mire, nous connaissons une acalmie, mais plus de soupe au ravito, les bouteilles de gaz sont gelées. Ici ce n’est pas le masque obligatoire, mais le bonnet et les gants ! Plus loin, le col de Freydane me semble invisible, le vent violent me gifle le visage, je perçois difficilement le sentier.
Je ressors enfin de cette zone au niveau du lac Blanc avec un moral au beau fixe. Ca y est ! les premiers rayons de soleil pointent sur la terrasse du refuge Jean Collet. Je me réchauffe, il est 14h, 4 heures d’avance sur la barrière horaire, rassurant pour l’instant. Pour le Pas de la Mine de Fer, les sensations sont bonnes. Pourtant, avec le retour du brouillard, il faudra attendre le Pas de l’Aigleton et le col de la Vache pour retrouver un semblant de clarté, très éphémère d’ailleurs, sur ces magnifiques versants. La nuit tombe, la frontale devient de rigueur, la descente sur le Pleynet est enfin entamée, le sentier reste technique, humide, boueux ; il demande vigilance, les quelques lueurs urbaines nous guident jusqu’à la première base de vie. 19 heures d’Echappée Belle et il reste 80 kms, la pause s’impose !
Quelques échanges entre coureurs, un change complet du bonhomme, quelques soins des pieds, le plein de la gourde et des vivres de course et me voici en route pour le chalet de la Grande Valloire. Malheureusement, le ressenti n’est pas bon, je titube, un pas en avant, un pas en arrière, le sommeil m’envahit, le repas du Pleynet ne passe pas, les nausées s’installent. Il faut réagir, garder son calme, un peu de marche afghane, je recale le rythme et la machine redémarre !
Lever de soleil sur le lac Léa, une descente somptueuse sur le ravito du Gleizin et j’enchaîne sur la montée de Super Collet, dernière base de vie avant l’arrivée. Mes trois co-équipiers du moment mettent fin à l’aventure. Pour moi, avec la deuxième nuit en perspective, il va falloir gérer, changement d’accu, refaire les pleins et surtout le plein d’envie ! Au dessus de la station, nous rejoignons la crête des Plagnes pour plonger dans le vallon du Claran, direction Val Pelouse, mais avant cela, le fameux col d’Arpingon. La zone de rupture va-t-telle être atteinte dans cette montée interminable ! Je ne cède pas mais le moral en prend un coup, peut-être pour moi le passage le plus dur. Ce sont les alpages de Val Pelouse qui me remettent dans le droit chemin et le coucher de soleil sur le Vercors qui guide mes pas vers le col de la Perrière.
Pour les 30 derniers kms, au programme une succession de cols dans les alpages et donc une zone plus roulante. Au Bourget de l’Huile, le dernier ravito avant l’arrivée, je décide de filer vers la dernière bosse du Fort de Montgilbert avec pour fond sonore les bourdonnements des lignes de haute tension, de quoi rester éveillé.
Le jour pointe sur la périphérie d’Aiguebelle, il doit être environ 6h et me voici, après deux tours de cadran, à la fois si proche et si loin de cette ligne d’arrivée. Tout doit s’arrêter ici, mais mes pensées sont ailleurs, avec une sensation étrange, l’envie de continuer cette Echappée « si Belle » !
Christophe G.