Un week-end à la Selle
Au parking des Prés, 1635 m à Saint Christophe en Oisans, sept ganistes aux départ du sentier du refuge de la Selle. Derniers empaquetages des sacs qui s’annoncent lourds, matériel d’alpinisme oblige. La petite troupe s’achemine sur un sentier bien tracé et sous un ciel lumineux.
Partis vers 11h, le passage de névés résiduels et de torrents impétueux, nous a creusé l’estomac. Un pique-nique s’impose vers 1900 m. Dans le creux de la vallée, l’objectif se dévoile. La Tête sud du Replat 3428 m. C’est loin, c’est haut !!!
Vers 2180 m le bucolique sentier verdoyant laisse place à la moraine du glacier de la Selle 2673 m qu’il va falloir remonter, lacets par lacets sous l’étrave du refuge qui nous domine, comme pour nous narguer.
Il nous aura fallu plus de trois heures pour prendre pied sur la terrasse du refuge envahie d’alpinistes. Le refuge de la Selle étant un des plus longs à atteindre de l’Oisans, les promeneurs ont surement trouvé d’autres lieux de promenade.
Après avoir fait connaissance avec la charmante gardienne et pris possession de notre dortoir, nous remontons quelques lacets plus haut le chemin que nous devrons prendre demain avant l’aube, pour trouver un névé et faire l’indispensable école de neige, trois d’entre nous étant de vraies débutantes. Premier contact avec les crampons, la séquence pédagogique qui suit donne lieu à l’enrayage de glissades et l’apprentissage des nœuds courants.
De retour au refuge, nous savourons enfin une bonne bière devant la majestueuse Tête sud du Replat qui nous attend demain. Le repas englouti de bonne humeur, la perspective d’un lever à trois heures du matin nous incite à nous glisser rapidement sous nos couettes.
C’est l’heure ! Lever et petit déjeuner à la frontale, à quatre heures nous quittons le refuge sous un ciel nocturne encombré, avec aussi une lune jouant à cache-cache par intermittence derrière la Centrale du Soreiller qui nous domine. Malgré nos frontales, les nombreux névés coupant le sentier nous font parfois perdre le fil du cheminement que nous arrivons à reprendre après quelques errements dans des moraines instables. Vers 5h15, nous prenons pied sur le glacier de la Selle.
Heureusement, le gel nocturne est bon et les crevasses bien remplies. Nous sortons cordes et crampons pour nous diriger vers la base de la Tête sud. C’est le moment de mettre en application les techniques de cramponnage apprises la veille. La pente se redresse pour atteindre un bon 35° que nous remontons sur environ 250 m jusqu’au col du Replat 3335 m. Les lignes sont fuyantes et impressionnent certains.
Nous continuons l’ascension par l’arête Sud proprement dite pendant une centaine de mètres sur un parcours aérien mixte, rocher/neige, et c’est le sommet !!!
Grande expérience pour les débutantes pour qui c’est le premier sommet gravi en alpinisme, puis c’est la descente vers le glacier avec la plus grande prudence et concentration.
Une fois sur le glacier, les difficultés étant derrière, nous rentrons au refuge l’esprit serein.
Après un moment de repos, pour quatre d’entre nous, c’est la redescente vers le parking qui commence. Pour les trois autres, c’est une après-midi de repos et farniente à savourer le confort, la bibliothèque et l’accueil du refuge qui se vide, le week-end étant terminé pour beaucoup.
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Pour Monique et moi, le deuxième objectif est maintenant notre préoccupation et nous questionnons les cordées revenant de l’Arête sud du Râteau (3809 m) sur les conditions. L’après-midi passe tranquillement jusqu’au repas et au coucher. Comme le matin, demain c’est réveil à trois heures.
C’est encore l’heure ! Mais cette fois, nous sommes seuls au petit déjeuner. Moment de calme et sérénité avant de partir à 3h30 sur le même chemin pris la veille en direction du glacier de la Selle puis cette fois vers, la Brèche du Râteau 3235 m, première étape de l’ascension.
Contrairement à la veille, il n’y a pas eu de regel nocturne et nos pieds s’enfoncent dans une neige molle présageant de moments désagréables !
Vers 5h30, pour passer la rimaye, nous tirons une première longueur dans une neige pourrie parsemée de blocs instables. Le couloir est équipé de trois relais « montagne », c’est à dire vieilles cordelettes et pitons rouillés. La longueur qui suit en III+ demande de la détermination, un gros bloc froid et humide surplombant barre le couloir. La longueur suivante, plus facile nous mène à la brèche où le soleil nous attend ainsi qu’un rocher en beau granit, mais aussi un fort vent du Sud annonciateur de pluie.
Il nous faudra ensuite, remonter sur environs 150 m une succession d’arêtes et de dalles en II/III que nous franchissons en faisant quelques relais sur coinceurs et sangles ou à corde tendue.
La section rocheuse se fondant sous la neige, vers 3500 m, nous chaussons les crampons pour remonter des pentes et dômes plus ou moins raides, mais dans une neige pourrie.
Monique, toujours vaillante prend la tête de la cordée. Par moment, chaque pas est un combat où nous nous enfonçons jusqu’à la taille ! Heureusement, Monique patiente, adapte son rythme au mien.
Nous évitons une corniche monstrueuse pour arriver à un petit col situé entre le sommet Est du Râteau et une antécime rocheuse à environ 3750 m.
Le sommet nous tend les bras. Débarrassés de nos crampons, nous gravissons les derniers mètres en bon rocher puis par un court parcours d’arête nous atteignons le premier des nombreux sommets constituant le Râteau, après le passage d’une dalle déversante sur laquelle nous jouons les équilibristes, avec sous nos pieds, La Grave à quelques 2500 m plus bas parfois cachée par des remontées nuageuses coté Romanche.
La météo n’étant pas très stable, nous ne traînons pas et entamons la descente par l’itinéraire de montée. Les dalles en bon rocher se descendent en désescalade et nous tirons un rappel de quinze mètres pour éviter le passage du gros bloc de la deuxième longueur.
Une fois sur le glacier, la pression redescend. Le cœur léger, nous regagnons le refuge où Odile nous attend.
Comme pour nos camarades de la veille, nous entamons l’interminable descente dans la vallée après un bon casse croûte et bière bien méritée. A l’approche du parking un orage de grêle nous surprend en pleine descente. On est mieux ici que sur les crêtes du Râteau !
Ce week-end à la Selle, loin d’être un « week-end de chiotte », a ravi tous les participants redescendus enrichis des expériences vécues.
Hervé.
Les participants : Brigitte, Claire, Elisabeth, Monique, Odile, Yves et Hervé